Muriel Mahé, présidente de FUSE, était à Antony le 19 octobre dernier en collaboration avec l'APECA (Association des parents d'élèves du conservatoire d'Antony) afin d'évoquer avec les parents la question de l'accompagnement de l'enfant élève au conservatoire. De multiples questions ont été abordées dans la salle, ainsi :
- Quelle est notre place de parent au sein du conservatoire ?
- Comment motiver son enfant pour une activité non obligatoire car extrascolaire, mais exigeante ?
- De quelle manière s'organiser, réussir à gérer les déplacements maison / école / conservatoire ?
- Comment aider son enfant à garder sa motivation au fil des années?
- L'abandon est-il grave ?
La place du parent par rapport à l’enfant et dans le conservatoire
Comment y trouver sa place en tant que parent et y amener son enfant alors que ce n’est pas obligatoire, qu'il s'agit d'un loisir, en marge de l’école ? Pour rappel, la formation musicale ainsi que le chant et la pratique d’un instrument sont intégrés dans l’éducation nationale dans d’autres pays…
Même si les activités au conservatoire conserve un statut particulier dans l'esprit des familles, pour y prendre pleinement sa place, il est crucial de ne pas l’envisager comme une garderie pour son enfant.
L’investissement, l’engagement du parent restent évidemment au centre de l’accompagnement. S’intéresser à ce qui passe au conservatoire, lors des activités, même si on est novice constitue la première source de motivation pour l’enfant. La fratrie est également une belle source de motivation, même s'il est préférable d'éviter de choisir le même instrument…
Les procédures, le fonctionnement du conservatoire restent peu compréhensibles pour les familles qui arrivent. Le dialogue avec l'administration et les professeurs du conservatoire est essentiel. Sans oublier les échanges avec les autres parents qui représentent aussi une ressource à exploiter.
La gestion du temps
La question récurrente quant à la gestion du temps est celle de l’organisation des déplacements au conservatoire : comment les optimiser ? Il peut s’agir de les limiter en regroupant les cours sur une ou deux demi-journées. Cette question en entraine une autre, celle de la gestion des inscriptions qui semble compliquée depuis quelques années à Antony… comme dans d'autres établissements d'ailleurs. Pour les conservatoires, il est désormais important, pour des raisons d'équité, de prendre en compte les contraintes des familles (les deux parents travaillent généralement et les familles monoparentales sont de plus en plus nombreuses).
Selon quel rythme doit-on faire « travailler » son enfant ? Si l'activité en conservatoire est un loisir, elle constitue un apprentissage qui nécessite une appropriation sur le temps long de la semaine : entraînement musculaire par la répétition du geste musical ou chorégraphique, mémorisation des textes, intégration des notions de formation musicale etc.
Les exercices de formation musicale doivent être refaits au moins deux fois entre deux cours (et idéalement juste après le cours pour s'appuyer sur la mémoire encore fraîche de l'enfant). La pratique de l'instrument doit être au maximum quotidienne : il ne s'agit pas d'imposer des durées importantes, mais de privilégier la régularité y compris durant les périodes de vacances. La durée de ces exercices quotidiens dépend généralement de l’instrument et du degré d'avancement de l'élève : 15 minutes pour le saxophone, 10 minutes pour le basson par exemple (le professeur peut le préciser).
Le choix de l’instrument représente aussi une question intéressante : quels éléments avons-nous pour accompagner les enfants dans leur choix ? De nombreux parents évoquent les critères du poids, du volume, du prix, de la liste d’attente au conservatoire. Mais il y a également la différence entre les instruments à succès et les instruments rares. il est essentiel de laisser son enfant choisir, en l'accompagnant dans sa démarche d'orientation. Ainsi, il ne faut pas hésiter à demander aus professeurs à assister à un cours pour satisfaire la curiosité de notre enfant (et la nôtre).
Enfin, il est possible de diffuser l'adresse de sites permettant de découvrir les instruments, tel que ceux de certains orchestres ou celui de France Musique, qui réalise des focus sur chaque instrument et offre la possibilité d'en découvrir de grands interprètes et le répertoire. La réalisation de fiches présentant les principales caractéristiques des instruments, ciblées sur les critères des familles, pourrait également être envisagée.
Passage du projet familial au projet propre
Comment maintenir la motivation lorsque l’enfant entre dans l’adolescence ? A l'entrée au collège, on assiste à un glissement des priorités des enfants, dont le rapport au groupe devient de plus en plus important. Il s’agit souvent d’une question de légitimité : suis-je le/ la seul(e) à aller au conservatoire dans mon groupe ?
Inscrire son enfant à un stage d’instrument ou de danse, à une colonie musicale ou chorégraphique peut alors être envisagé pour donner un nouveau souffle, en travaillant dans un autre contexte, un autre rapport aux enseignants et une autre organisation. Dans cet espace circonscrit à la fois géographiquement et temporellement, l'enfant peut (re)trouver le plaisir de jouer ou danser avec les autres et prendre pleinement la mesure de l'investissement à consentir grâce à une valorisation qui intervient en fin de stage.
L'entrée au collège coïncide également avec une augmentation de la charge de travail et de nouvelles attractions (écrans notamment). En progressant dans les cycles ou les parcours, l'activité en conservatoire nécessite de plus en plus de temps, que ce soit en temps de présence ou en temps de pratique. Les parents doivent redoubler de vigilance face aux signes d'épuisement de leurs enfants et toujours veiller à ce qu'ils disposent d'un temps personnel suffisant pour rêver, lire, jouer.
Il peut alors être temps de réviser à la baisse ses ambitions de parent et limiter les activités extra-scolaires qui entrent en concurrence entre elles. Il est certaintement préférable d'en faire moins mais mieux : les parents doivent être pleinement conscients que chaque heure passée au conservatoire se traduit par un temps de travail quotidien à préserver.
Alors, dans ce contexte, l'arrêt du cursus artististique reste une éventualité qui doit être envisagée avec sérénité par les familles, tout en pesant bien les apports de cet enseignement, qui vont bien au-delà de la maîtrise d'un art. Il permet notamment de développer de nombreuses compétences, notamment l’empathie, l’écoute des autres, le goût de l'effort, du dépassement de soi, la rigueur dans le travail et confronte les enfants tôt, à la réalité des examens. Il est souvent possible d’encourager les enfants en leur rappelant leur chemin parcouru : « tu ne vas quand même pas arrêter si près de la fin du cycle ? C’est dommage », et en leur apportant tout votre soutien pour surmonter les difficultés qui peuvent advenir.
Et lorsque l’enfant en fait son projet professionnel ? Cela a été le cas pour Françoise Petit, avec l'une de ses filles, décidée à devenir danseuse. L'accompagnement bienveillant et vigilant du parent prend alors une autre dimension et se révèle d'autant plus fondamental lorsqu'on n'est pas artiste professionnel soi-même. Les informations nécessaires sont rarement accessibles, les parcours peu lisibles et les personnes (et structures) ressources mal identifiées. S'adapter au projet de son enfant peut nécesssiter de prévoir un changement d'établissement scolaire et l'entrée dans un nouveau conservatoire, parfois éloigné, modifiant l'organisation au sein de la famille.
Les associations d'usagers ont un rôle essentiel à jouer pour accompagner les parents d'élèves, que ce soit dans le cadre de l'enseignement initial ou d'un projet professionnalisant, en s'assurant que l'information sera accessible à tous : susciter des réunions d'information, partager son expérience de parent, faire le lien entre les professionnels et les élèves, etc. Il est également important que les responsables associatifs soient eux-mêmes suffisamment informés : c'est le rôle de FUSE en particulier, mais aussi des responsables des conservatoires qui doivent prendre en considération l'importance du positionnement des associations comme médiateur auprès des familles.
Odile Olière, présidente de l'APECA