Internet est aujourd'hui bien ancré dans notre quotidien et les usagers n'ayant ni ordinateur, ni smartphone se font rares. Ce développement du numérique est-il pour autant synonyme de démocratisation culturelle accélérée ? Comment les structures culturelles touchent-elles aujourd'hui un public élargi ?
La question du public non présent aux manifestations dit « non public » ; « public empêché » ; « public spécifique » reste à l'ordre du jour dans tous les domaines culturels, avec des appelations toujours négatives, dépréciatives, des sortes d'euphémismes, qui posent question et marquent la limite actuelle de la démocratisation culturelle. D'autant que l'accés à internet reste difficile dans les « zones blanches ».
Le thinkculture 2018 apportait les témoignages de professionnels : créateurs, producteurs, sur leur utilisation professionnelle d'internet et des réseaux sociaux et applications. Les témoignages apparaissent réservés, contrastés... en voici quelques exemples révélateurs :
Concentration et manque de maîtrise de la diffusion au sein du secteur musical
Matthieu Pigasse (les Eurockéennes de Belfort) nous alerte sur l'inquiétante concentration du paysage de diffusion, liée aux géants que sont google, amazon et facebook, laquelle amoindrit la concurrence et donc une culture moins normée, autre...
Lorraine Villermaux (Les talents lyriques) souligne néanmoins l'apport du numérique en ce qui concerne la diffusion (streaming, Arte Concert, deezer, spotify) ; l'audition d'un artiste par exemple (you tube) ou encore la recherche de documents (bibliothèques numérisées).
Autre structure très dynamique dans sa promotion internet : Insula Orchestra (Laurence Equilbey). Des clips artistiques et liens pédagogiques sont toujours proposés en parrallèle d'une œuvre. Internet permet aussi aux artistes émergants de se faire remarquer.
Comme le confirme aussi Rodolphe Dardalhon (Roy Music) : Internet permet de promouvoir des artistes pour moins cher et est source de créativité. Le streaming constitue l'avenir !
Pour Clotaire Buche (Junzi Arts) : Internet permet de repérer des artistes à l'autre bout du monde, en revanche, difficile pour un producteur d'avoir une juste rétribution des captations de spectacles live.
La question des droits d'auteurs et de la juste rémunération des artistes et producteurs dans l'univers musical inquiéte depuis longtemps nombre de professionnels tant la diffusion sur internet permet une visibilité accrue mais reste incontrolable... Le paysage de perception des droits d'auteurs reste par ailleurs très morcellé en de multiples sociétés de perception, lesquelles commencent à être menacées par des géants comme google.
Pour autant, toutes les structures culturelles développent-elles des outils numériques ? Et comment concilier modernité et respect du lieu patrimonial ?
Le lieu culturel bientôt ultraconnecté ?
François-Xavier Goemaere présente sa start up Sky Boy, spécialisée en réalité augmentée. Sans être omniprésent dans la visite, notre smartphone nous permet de voir des petits spots de 1 à 2mn, redonnant vie au lieu, comme par exemple dans la maison de Clémenceau.
L'usager souvent aux prises avec internet dans sa sphère professionnelle, veut-il être également ultra-connecté lors de ses loisirs ? La question est posée par les professionnels présents et fait débat.
Le château de Vaux-le-Vicomte (Alexandre de Vogüé) fait le pari de la tradition, de la simplicité et mise sur son bâti et ses collections. Nul besoin de réalité augmentée ici, par contre créer l'événement devient indispensable (décorations de Noël ; soirées aux chandelles...) afin d'accueillir un même public plusieurs fois par an. De nouveaux audioguides seront bientôt empruntables. Le pari est donc fait ici de rester sur des outils simples, informatifs.
A l'inverse, le château dans sa communication est tourné vers le net et s'est adjoint les services d'un webmaster professionnel : savoir bien communiquer sur les réseaux sociaux est ainsi primordial afin d'avoir un discours cohérent. Que poster ? Quand poster ? Sont des questions primordiales... Internet sert aussi à trouver des mécénes, une campagne de crowfounding sera d'ailleurs lancée cet automne.
Réserve également pour le musée Marmottan Monet (Patrick de Carolis), avec la peur que l'audiovisuel ne cache l'oeuvre originelle. Le musée restant avant tout un lieu scientifique, patrimonial qui doit susciter l'émotion, des initiatives comme celles de culturespaces posent question. Comment protéger ainsi le travail de l'artiste ? L'important est de connaître le lieu culturel, son adn et de proposer donc quelque chose de vrai qui ne le dénature pas !
La réalité virtuelle est donc plutôt vue comme réservée aux clients étrangers, ceux qui ne viendront jamais en Europe. Car une fois sur place l'oeuvre originelle se suffirait à elle-même...
L'atout ludique des applications
Lorraine Villermaux (Les talents lyriques) nous présente 3 applications à succés que l'on retrouve sur IPAD, lesquelles visent à :
- reconstituer un orchestre baroque, chaque tablette controlant un instrument ;
- faire un puzzle musical tout en travaillant les variations sur un même thème ;
- découvrir les notes d'un clavecin et proposer son interprétation.
Ces applications utilisées en classes, en médiathèques rencontrent un beau succés.
Le numérique influence aujourd'hui inévitablement les processus de création, de diffusion, mais aussi de réception d'une œuvre. De belles initiatives innovantes nous ont été présentées lors de ce thinkculture, à mettre en place avec raison au risque de dénaturer l'oeuvre même...
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