L'objectif fixé pour 2014 est clair : la baisse des subventions sera de 31% par rapport au montant de 2013. Mais il s'agit d'une moyenne ; en effet, pour les établissements qui portent les Pôles Supérieurs, la baisse devrait être de l'ordre de 17%, alors que pour les autres, celle-ci avoisinerait 50%.
Décodage d'une évolution programmée... depuis 2004 !
Une participation certes symbolique mais vitale
De fait, les conservatoires, établissements publics classés sous le contrôle du ministère de la Culture, relèvent de l'initiative des collectivités territoriales, principalement villes ou intercommunalités : ce sont elles qui les financent, recrutent et emploient le personnel enseignant, administratif et technique, investissent et entretiennent les bâtiments.
Le ministère de la Culture pour sa part, en supervise le fonctionnement pédagogique, oriente et valide leur classement.
Et l'Etat participait, bien que de façon marginale, aux dépenses de fonctionnement des conservatoires à rayonnement régional et départemental (auparavant conservatoires nationaux de région et écoles nationale de musique et de danse), ainsi qu'à des projets d'investissement. Depuis les lois de décentralisation, les crédits étaient alloués par les DRAC.
Ainsi en 2007, le soutien accordé par l'état au réseau public d'enseignement artistique s'élevait à 8% en moyenne des dépenses de fonctionnement des établissements.
Une disparition programmée dès 2007...
Oui mais voilà : en 2004, la loi de décentralisation prévoyait un redéploiement de ces aides vers les départements et les régions. On peut ainsi lire la mention suivante dans le rapport annuel de performance (RAP - document produit chaque année en appui à l'exécution des comptes de l'Etat) :
"Il convient de rappeler qu'en application de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, les crédits des enseignements spécialisés ont vocation à être transférés aux collectivités territoriales. Sont seulement concernées les subventions de fonctionnement attribuées aux ENMDT et aux CNR. Le montant des crédits devant être transférés est d’ores et déjà connu : il a été évalué à 28,60 M€ sur la base de la moyenne calculée sur les trois dernières années précédant le transfert. Une fois les crédits transférés, l’action 3 ne sera pas pérennisée : les autres crédits de l’action seront transférés sur les actions 1, 2 et 4 du programme."Mais ce volet de la loi n'a jamais été appliqué : les régions ont refusé de mettre en place les CEPI qui auraient dû remplacer les troisièmes cycles spécialisés faute de financement cohérent et l'Etat n'a jamais organisé le diplôme national de fin d'étude ( DNOP).
De fait, jusqu'en 2011, rien ne bouge... jusqu'à l'annonce de la reprise en 2012 des réflexions sur une mise en oeuvre réelle des dispositions de la loi de 2004 : le soutien aux établissements n'a plus beaucoup d'années à vivre !
Mais quel rapport peut-il y avoir entre la mise en place d'un cursus diplomant, harmonisé au plan national, et le soutien au fonctionnement d'établissements publics auxquels l'Etat impose le cadre de fonctionnement ? De quel outil de politique culturelle disposera l'Etat pour assurer une équité de traitement sur l'ensemble du territoire en matière d'enseignement artistique ?
Une culture de l'ambiguïté
Le soutien aux établissements n'est pas le seul à faire les frais d'une ambiguïté manifestement élevée au rang d'art majeur : les aides sous critères sociaux accordés aux élèves des conservatoires sont ainsi passées de l'action 1 (enseignement supérieur) à l'action 3 (enseignement spécialisé) en 2011, en étant fondues dans l'ensemble du soutien aux conservatoires !
C'est ainsi que depuis lors, les projets de loi de finances qui se succèdent affichent des crédits dédiés uniquement au fonctionnement des conservatoires sans mention du versement d'aides individualisées, et que l'exécution du budget fait apparaître une ligne de "transfert aux ménages" où réapparaissent ces mêmes dépenses.
Serait-ce à dire que l'objectif de disparition des aides individuelles était également programmé depuis lors et que seule l'opiniatreté de certains les auraient préservées ?
Et qu'en sera-t-il pour 2014 ? La présentation du budget du ministère de la culture mentionne les aides individuelles aux élèves en voie de professionnalisation comme une priorité. Mais elles n'apparaissent toujours pas dans les documents budgétaires !
Jouer les élèves contre les structures, un jeu pervers
Là encore, on ne peut que s'étonner de la confusion affichée en fusionnant les crédits dont la vocation est fondamentalement différente : soutenir les établissements est un gage de meilleur équilibre territorial et de préservation de projets ambitieux, alors que soutenir les élèves sur critères sociaux vise à garantir un égal accès de chacun à un dispositif d'enseignement public de qualité.
L'Etat met beaucoup d'énergie à structurer l'enseignement supérieur dans le domaine du spectacle vivant, et il était grand temps. Mais alors que pour les filières rattachées à l'enseignement supérieur, l'enseignement initial est pris en charge par l'éducation nationale, ce sont les conservatoires qui assurent ce travail indispensable de préparation à l'enseignement supérieur : il faut le leur reconnaitre. En même temps 'il faut valoriser l'ensemble des projets développés par ces structures pour toucher un plus large public et préserver ainsi, la future diversité des pratiques en amateur.
Encore des efforts supplémentaires pour les collectivités et les usagers
Cette année encore, les collectivités territoriales et en premier lieu les villes vont donc se retrouver encore plus seules pour porter le réseau national de l'enseignement public spécialisé. A elles d'ouvrir leur porte monnaie pour combler le manque à gagner : en ces temps de restrictions budgétaires, cela ne va pas être évident.
Ou alors, ce sont les conservatoires qui devront tailler dans leurs projets et leurs ambitions : le conservatoire de Lyon n'aura pas de session d'orchestre symphonique en 2014 par exemple.
Enfin il est fort probable que les familles seront mis à contribution par le biais d'une hausse des frais d'inscription.
Dommage pour les élèves et leurs familles, pour les efforts de diversification des publics... mais au delà ce sont les territoires qui profitaient du rayonnement de ces structures, qui vont en pâtir.
Pour en savoir plus : le budget prévisionnel du ministère de la culture (lire surtout les pages 11, 30 et 31)et pour les plus courageux : le projet annuel de performance pour le programme 224, justification au 1er euro