Le 25 mai dernier, à la Philharmonie, la ministre de la Culture annonçait son soutien renforcé à la pratique instrumentale des enfants, tout particulièrement dans le cadre d'une pratique collective : elle souhaite notamment que tout enfant puisse jouer d'un instrument, sur temps scoclaire ou non.
Soutien renforcé à Démos et Orchestre à l'école
Ce soutien se traduira concrètement par une hausse des subventions (+2,6 millions d’euros) versées à Démos (Dispositif d'éducation musicale et orchestrale à vocation sociale, porté par la Philharmonie de Paris) et à l’association Orchestre à l’école. Charge à eux de créer chaque année 300 nouvelles formations orchestrales en ciblant prioritairement les quartiers Politique de la Ville et les zones rurales.
Ce nouveau plan vient compléter les diverses annonces qui se succèdent depuis juin 2017, en faveur de la pratique musicale des plus jeunes :
- la rentrée en musique, renouvelée en partenariat avec le ministère de l’Education nationale en septembre 2018 ;
- le « Plan Chorale » : une chorale dans 1 école primaire sur 2 à la rentrée 2018 et dans toutes les écoles en 2019 ; un nouvel enseignement facultatif de 2h hebdomadaires dans 7 000 collèges à compter de la rentrée 2018 ;
- la Fête de la Musique à l’école et dans tous les conservatoires le 21 juin 2018.
Quelle place pour les conservatoires dans le renforcement de la pratique instrumentale?
C'est effectivement la question que beaucoup d'acteurs se posent, avec le sentiment que le développement de l'éducation artistique et culturelle se fait au détriment du soutien de l'État au réseau public d'enseignement artistique.
Il est vrai que les conservatoires n'apparaissent qu'en marge de discours de la ministre : le plan chorale doit se développer avec leur appui, la fête de la Musique doit également se dérouler dans les conservatoires (s'ils ne le faisaient pas déjà...). Et si le projet de budget 2018 prévoit explicitement de renforcer le financement des conservatoires, cela reste dans des proportions limitées : 3 M€ supplémentaires dédiés principalement à "soutenir les démarches innovantes de collaboration avec les établissements scolaires et la mise en place de pratiques collectives dans les écoles primaires" (sic).
Donc a priori, le soutien affiché aux projets fédérateurs Démos et Orchestre à l'école ne vient pas en concurrence avec celui, très marginal au regard du coût réel des ces structures pour les collectivités, apporté aux établissements d'enseignement artistique.
Les collectivités, goulet d'étranglement territorial ?
Les conservatoires sont bien un maillon indispensable pour le développement de la pratique instrumentale collective : souvent partenaires dans les orchestres à l'école, ou les projets Démos, ils sont incontournables en relais de ces structures, lorsque l'enfant veut poursuivre sa pratique instrumentale, notamment parce qu'ils pratiquent en général des tarifs soutenables, qui tiennent compte des revenus des familles.
Cependant, même si l'Etat mobilise des fonds additionnels pour soutenir cette ambition politique, tout à fait louable, en faveur d'un accès généralisé des enfants à la pratique instrumentale en collectif, que se passe-t-il au plan local? Face aux contraintes budgétaires, certaines collectivités prioriseront (des exemples tendent à le démontrer) et risquent de réduire leur financement aux conservatoires et structures associatives, qui dispensent un enseignement artistique élargi à d'autres disciplines, et sans préjuger du public cible.
Alors que de trop nombreuses collectivités utilisent leur conservatoire comme une source facile à mobiliser pour réaliser des économies (Rueil, Aubervilliers, et les autres..), le soutien de l'Etat au réseau public notamment lorsqu'il met en place les moyens d'accueillir les enfants dans leur diversité (sociale, culturelle, envie, mais également origine géographique) se doit d'être renforcé mais aussi clairement affiché et communiqué.
Et s'il s'agit d'accroître effectivement le nombre d'enfants "musiciens d'orchestre", alors évaluons (donnons nous les moyens de le faire) chaque année, le nombre d'enfants supplémentaires inscrits dans ces pratiques, en tenant compte des différentes possibilités existantes. Rien ne serait pire que de se rendre compte que les objectifs généreux de la ministre se traduisent par de simples déplacements d'un projet à un autre, qu'un enfant de plus inscrit dans l'orchestre à l'école se traduit par un de moins dans l'harmonie municipale.... Parce qu'alors, nous n'aurons pas progressé d'un pouce !