Ce séminaire d’échanges et de réflexion, animé par Jean Pierre Saez, a pris appui sur les témoignages d’acteurs investis sur ces questions à Avignon et en Rhône-Alpe. Avec la participation :
- Emmanuel Ethis (Université d'Avignon et des Pays de Vaucluse)
- Guy Tosatto (Musée de Grenoble)
- Marie-Christine Bordeaux (Université Stendhal Grenoble 3/Gresec)
- Bernard Sevaux (Ville de Villeurbanne)
- Daniel Simon (Université Lyon 1)
- Eliane Baracetti (Région Rhône-Alpes)
Dans un premier temps, Eliane Baracetti a exposé l'étude qu'elle a mené sur le sujet en région Rhône Alpes. Cette étude assez exhaustive lui permet de dresser un panorama des pratiques artistiques et culturelles des étudiants. Elle évoque la situation des étudiants artistes et les propositions au cas par cas pour eux, qui amènent à s'interroger sur la nécessité ou non de formaliser un dispositif spécifique pour ces étudiants particuliers.
Guy Tosatto parle du lien collaboratif avec les enseignants dans un premier temps, puis en direct avec les étudiants dans une démarche volontariste pour ouvrir une structure fermée sur elle même. Le projet phare de cette démarche est le nocturne étudiant : soirée pendant laquelle les étudiants sont les animateurs, créateurs d’évènements de propositions plus ou moins ludiques destinées à leur congénères. Au delà de la soirée, les étudiants se sont appropiés le lieu qui devient lieu de rendez vous et de rencontres. Mais le succès rencontré par ce projet est aussi un véritable challenge pour les équipes du musée qui doivent lâcher prise et accepter de voir leur lieu peuplé d'oeuvres d'art précieuses, investi par des milliers de jeunes.
Marie Christine Bordeaux rappelle que l'université est le lieu par excellence où peuvent se combiner démocratisation culturelle et démocratie. Car l'appui aux associations étudiantes, la gestion des espaces dédiés aux étudiants, la place donnée aux vices présidents étudiants de l'université ont pour objet d'amener les étudiants à prendre leur place comme acteurs culturels.
Elle s'interroge sur l'appellation de pratique amateur quand on parle de la pratique des étudiants qui se retrouve à mi chemin entre une pratique amateur et un cheminement de construction de l'identité. Elle aimerait qu'on généralise le terme de création universitaire.
Daniel Simon est professeur de physique à l'université de Lyon 1 et également chargé de mission culture. Son université accueille 35 000 étudiants et la mission culture a un budget de 220 000 euros, avec 5 permanents. Elle accueille en résidence une compagnie qui compte 2 permanents. Ce témoignage démontre que la démarche des universités en faveur de la culture va au delà de l'anecdotique même si les moyens mis en place sont toujours insuffisants et les freins nombreux : difficile de créer une animation dans une université éclatée sur 13 sites.
Bernard Sevaux, directeur des affaires culturelles de la ville de Villeurbanne, présente Villeurbanne, cité ouvrière de la fin du XIXème siècle de 80 000 habitants. L'université s'y est implantée en 1957 et accueille 25 000 étudiants et 5 000 enseignants et personnels techniques et administratifs. C'est donc une ville dans la ville. Villeurbanne mène une politique active pour le développement de la vie universitaire et son insertion dans la vie locale. La Culture est un des axes importants de cette politique d'insertion. La ville a un chargé de mission spécifiquement en charge de la culture universitaire. L'arrivée de François Planchon en 1975 a été la pierre fondatrice de la présence au sein du campus d'une vie artistique forte, une présence qui perdure grâce à une compagnie en résidence.
Emmanuel Ethis est sociologue et président de l'Université d'Avignon : nommé à la tête de la commission culture pour les universités par Valérie Pécresse, Emmanuel Ethis continue depuis lors à s'investir dans cette question que ce soit dans le domaine de la réflexion de la recherche et également dans la vie pratique de son université. Emmanuel Ethis rappelle la grande misère étudiante et qu'une fois payées les dépenses de base (logement, nourriture, transport), il reste à l'étudiant en moyenne 6 à 7 euros. Un constat qui s'aggrave encore quand on prend connaissance des chiffres de l'INSEE parus début juillet, qui annoncent pour l'année dernière une baisse sensible des pratiques culturelles : -12% pour le spectacle vivant, -5% pour les objets culturels.
Le temps étudiant, l'âge privilégié pour la construction d'une culture collective
Emmanuel Ethis déplore donc le manque de dispositions particulières à destination des étudiants. Une sorte de mépris pour la question culture à l'université y compris au sein du ministère de la Culture. D'un autre côté, l'Université est mal connue et mal perçue au sein de la Cité. Or les 18 et 25 ans se construisent en s’autonomisant et en se réappropriant un bagage culturel - c’est donc à ce moment là qu’il faut œuvrer en évitant à tout prix les faits d’imposition.
Au sein de l'Université d'Avignon, beaucoup est fait pour pallier cela avec un certain succès que la taille moyenne de la Ville n'explique pas entièrement : les pratiques artistiques et culturelles concernent 30% des étudiants, allant bien au delà de la moyenne nationale (10%). Cette vie artistique et culturelle est partagée par toute la communauté universitaire car la culture ne marche que si c’est un déclencheur de partage et de discussions. L'agenda 21 de la Culture n'est donc pas un vain mot dans cette université qui travaille dans une logique de partage de plan de développement en commun avec les écoles d'art et le conservatoire.
Marie Christine Bordeaux souligne que c'est bien le rôle des missions cultures que de faire le lien entre la ville et l'université. Elle pointe aussi que les études ont montré que l'étudiant pendulaire, celui qui n'est pas boursier mais pas assez riche pour être autonome du domicile familial, et qui passe beaucoup de temps dans les transports, est celui qui plus éloigné de la vie culturelle et qu'il est extrèmement difficile de l'inclure dans les propositions.
L'étudiant artiste de haut niveau, un objet non (ou mail) identifié
Les derniers échanges permettent d'évoquer la place des étudiants artistes au sein de l'université. Celle ci a du mal à identifier ce qu'est un artiste de haut niveau ; il faudrait donc pouvoir définir des critères spécifiques. La mise en place de doubles cursus (artistique et universitaire) avec des conventions permettraient de gérer les problématiques d'horaires.
Pour Emmanuel Ethis, la logique serait que tous les cursus supérieurs devraient se regrouper sous la bannière universitaire; sans faire perdre leur spécificité aux écoles d'art et aux formations supérieures du spectacle vivant. Cela rendrait le système lisible au niveau international et ferait fondre grand nombre d’obstacles.
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