Depuis l'entrée en fonction du nouveau gouvernement, les signes ne manquent pas visant à valoriser la pratique musicale à l'école : rentrée scolaire en musique, multiplication des sorties ministérielles auprès d'orchestres à l'école, plan chorale récemment annoncé etc.
Certes, que la pratique musicale soit reconnue comme essentielle est une véritable satisfaction. Et toutes ces volontés de promouvoir la pratique régulière du chant ou d'un instrument sont précieuses et amorcent un véritable changement de regard sur cette discipline.
Et plus que tout, il faut se réjouir qu'enfin, ministres de la culture et de l'éducation nationale travaillent ensemble et parlent régulièrement à deux voix sur ces sujets.
Cependant, au-delà de la succession des annonces, des questionnements subsistent et les motifs d'inquiétude ne manquent pas.
La pratique collective de la musique pour bâtir l'école de la confiance
Episode 1 : la rentrée en musique, annoncée en juin quelques jours avant les vacances des collégiens (dont on sait bien que beaucoup vivent un mois de juin fort court, sauf à passer le brevet et donc à faire partie de ceux qui ne seront pas présents en septembre).
"Il s'agit de proposer aux élèves, qui étaient déjà présents l'année précédente, d'accueillir leurs nouveaux camarades en musique, manière chaleureuse de leur souhaiter la bienvenue.
La chorale et/ou l'orchestre des écoles maternelles et primaires, du collège ou du lycée sont au cœur de l'organisation de cet événement. Les élèves et les parents musiciens sont aussi associés à ce temps fort de même que le milieu associatif et les collectivités locales. Cette opération se réalise en lien étroit avec le ministère de la culture de sorte que toutes les institutions culturelles pourront être sollicitées pour ce moment exceptionnel." peut-on lire sur le site du Ministère.
Alors oui, cette rentrée a dû être organisée rapidement, et cela a été plus facile lorsque des ensembles existaient déjà au sein des établissements, ou quand des partenaires institutionnels pouvaient être mobilisés. Mais au travers des expériences remontées par les uns et les autres, les réalités de mise en oeuvre sur le terrain ont été plutôt maigres (et surtout fortement médiatisées), notamment pour ce qui est d'associer les élèves ou les parents musiciens. Mais gageons que l'an prochain, cela sera plus général et que
Un Plan Chorale, outil simple et concret pour généraliser la pratique musicale chez tous les enfants
Episode 2 : le 27 novembre 2017, la Ministre la Culture Françoise Nyssen a détaillé à son tour sa vision de la musique à l'école et sa panoplie de mesures pour irriguer les territoires, s'appuyant sur le rapport de Roch-Olivier Maistre : Rassembler la musique – Pour un Centre national.
Françoise Nyssen annonce alors entre autres: "la mise en place d’un « plan Chorale », avec un objectif simple : passer d’un établissement sur quatre doté d’une chorale aujourd’hui à un sur deux en 2018. Ce plan mobilisera le secteur associatif musical mais aussi les conservatoires, dont les soutiens sont augmentés de 3 M € pour atteindre 20 M €."
Les conservatoires ? Les secteur associatif ? Tant mieux, mais la musique au collège ne relève pas de la compétence des collectivités locales, mais bien de l'éducation nationale. Donc il fallait lire : les musiciens intervenants à l'école (souvent rattachés aux conservatoires) et les professeurs d'éducation musicale au collège (et les conservatoires en pôles ressources). C'est que que l'on a mieux compris le 11 décembre, lors de l'interview conjointe de nos deux ministres.
Episode 3 (pas encore diffusé) : en janvier, la ministre annoncera également ses décisions à propos de la future Maison commune de la musique. Reste à voir si de nouvelles annonces ne viendront pas compléter le tableau en cours d'élaboration.
La difficile articulation entre l'école et les intervenants spécialisés
Les intervenants et le public présents au colloque FUSE du 25 novembre 2017 pointaient déjà du doigt ce difficile travail de terrain qui exige des partenariats accrus et une réelle discussion à mener afin de prendre en compte chaque acteur de manière égalitaire avec pour objectif ultime: l'élève bien évidement !
Les conservatoires sont des lieux ressources irremplaçables pour le développement de la pratique artistique. L'articulation avec les professeurs d'éducation musicale reste à définir d'urgence pour éviter les méprises que cette annonce a pu engendrer : ils restent les pivots indispensables au sein des établissements.
Une absence qui passe mal : quid des classes à horaire aménagé ?
Autre sujet d'interrogation : les classes à horaire aménagé sont totalement absentes des discours ministériels. Certes ces dispositifs intensifs ne sont pas à mettre sur le même plan, mais comment ne pas mettre en avant l'apport pour les élèves qui s'y inscrivent en leur permettant de faciliter l'articulation entre scolarité et cursus artistique.
Evidemment, ils ne se limitent pas à la musique puisqu'ils peuvent également concerner la danse et l'art dramatique. Et intègrent des enseignements totalement dispensés par les conservatoires : est-ce cela qui coince pour l'éducation nationale : ce temps de l'élève délégué à un autre établissement public ? ou est-ce le procès (non instruit, en dépit des statistiques qui pourraient être mobilisées) en non mixité de ces dispositifs ? ou encore, la finalité "intensive" de ces dispositifs qui restent pourtant à finalité de formation d'amateurs ? ou enfin, le fait que ces enseignements, même dispensés par les conservatoires, soient gratuits (ce que les collectivités admettent difficilement) ?
Ainsi que le rappelait récemment la représentante de l'union nationale des associations familiales au CESE lors de la présentation en séance plénière, de l'avis sur la démocratie culturelle : leur développement devrait également être une priorité, car elles permettent un accès gratuit aux conservatoires et permettent à certains enfants de se découvrir des talents voire des vocations. Rappelons également qu'elles facilitent l'accès au conservatoire de familles éloignées (géographiquement mais aussi socialement) par les facilités d'organisation qu'elles offrent (intégration des deux temps de vie de l'élève, sur des lieux proches, sans déplacements supplémentaires).
Espérons qu'à l'occasion de la prochaine rentrée, nos multiples classes à horaire aménagé donneront de la voix !