Plusieurs études viennent de sortir faisant le point sur la place des femmes dans le secteur musical. Partons de l'excellente revue de presse sur la place des femmes dans la musique en 2019, compilée par l'Irma.
Après une première partie reprenant des statistiques marquantes, l'Irma recense ainsi des articles de l'année regroupés en quatre thématiques :
- discriminations et sexisme
- violences et agressions sexuelles
- parité et actions de soutien
- focus sur la place des femmes selon les genres musicaux : rap, techno...
Aucun secteur des métiers de la musique n’est épargné par les violences sexuelles ou sexistes
328 musiciennes ont répondu à un questionnaire accessible durant dix mois en 2018 sur le site internet du Syndicat des artistes musiciens de Paris et de région parisienne (SDAMP-CGT) et diffusé via les réseaux sociaux.
Même s'il n'est pas question de généraliser les éléments recueillis, sans élément permettant de réaliser une analyse statistique rigoureuse, l'enquête (présentation, statistiques clés, témoignages) permet de saisir l'ampleur du phénomène :
- 30% des musiciennes répondantes disent avoir subi un harcèlement moral, et 25% avoir été victimes de harcèlement sexuel, tous secteurs confondus
- 22% des musiciennes répondantes reconnaissent avoir vécu des situations de discrimination à l’embauche
La conclusion de cette enquête est sans appel : "La forte dominante masculine des postes à responsabilité dans ce secteur nuit à une réelle prise en compte de ce que sont les réalités professionnelles des femmes. Ce déni nuit à leur insertion dans le métier et à leur présence sur scène".
Les musiciennes sous-représentées à la tête des institutions culturelles
Le site Paye ta note a été créé par la violoncelliste Agathe Thorez pour "lister factuellement toutes les absurdités sexistes que l'on peut dire aux femmes dans le milieu de la musique". Déjà 4000 témoignages y sont recensés (pour plus d'info sur cette initaitive, lire l'article sur France TV Info).
Paye ta note propose également des infographies sur la présence de femmes dans les festivals (infographie) ou sur leur place à la tête des différentes institutions culturelles.
En matière d'enseignement artistique, le constat est clair : seul un directeur sur quatre est une directrice.... Et les femmes sont surtout présentes à la tête des établissements de moindre ampleur, la proportion déjà peu brillante s'effondrant à moins d'un sur dix pour les conservatoires à rayonnement régional et à un sur six dans l'enseignement supérieur.
Le constat est similaire pour 89 scènes de musiques actuelles dont seulement 8 ont des programmatrices à leur tête.
Le jazz, un monde d'hommes !?
Une nouvelle enquête de l'AJC Jazz, Grands Formats, la Fneijma et l'ADEJ cible le secteur du jazz et des musiques improvisées. Les hommes y représentent :
- 75% des élèves des classes de jazz des conservatoires,
- 74% des stagiaires en formation professionnelle,
- 83% des enseignants de jazz,
- 86% des artistes musiciens des grands ensembles de jazz,
- 85% des artistes programmés sur les scènes de jazz.
Ces chiffres globaux masquent une réalité encore plus stéréotypée : dans les ensembles de jazz, les femmes sont essentiellement chanteuses (83%) plutôt qu'instrumentistes (12%). La répartition des instruments est plutôt genrée et conduit à la sur-représentation des femmes dans certains instruments (voix, flûte, violon, piano, harpe…), les hommes étant alors encore plus présents dans les autres (percussions, cuivres, basses…).
Les femmes souffrent davantage de précarité et accèdent plus rarement aux fonctions de direction ou de prestige car assumant "plus volontiers" la charge d'une famille. Minoritaires dans les orchestres, elles sont en revanche sur-représentées dans les fonctions d’accompagnement et de soutien des projets artistiques, dont elles composent la majorité de l'administratif à tous les postes, sauf de direction.
Genre et instrument
Au delà du jazz, dans le monde de la musique classique également, les stéréotypes ont la vie dure et les filles restent toujours plus nombreuses dans les classes de harpe qu'en percussion.
Comme le souligne Aliette de Laleu sur Slate, néamoins, les choses évoluent relativement rapidement au sein des orchestres. L'ouverture de plus en plus large des conservatoires à des élèves provenant de milieux non musiciens et la diversification de l'accès à l'enseignement musical via les orchestres à l'école ou les initiatives du type de Demos facilitent l'accès des filles aux anciennes chasses gardées des garçons, ces enfants et leurs parents étant moins imprégnés des stéréotypes.
Enfin, si les filles sont majoritaires à partir du second cycle de conservatoire, elles se raréfient dès lors qu'il s'agit de se professionnaliser. La représentation des métiers du spectacle reste masculine, hormis quelques "bastions" féminins que sont le chant ou la danse, et est conforme en celà à la réalité du terrain. La féminisation des métiers progressera au fur et à mesure où suffisamment de modèles féminins seront présents sur le devant de la scène, donnant envie à des jeunes filles de suivre leur exemple.
Alors musiciennes et ingénieures (ou scientifiques), même combat ?