Les bourses du ministère de la Culture à destination des grands élèves des conservatoires (donc de l'esneignement public artistique) ont été transformées en aide individuelle laissée à l'appréciation des DRAC. Des disparités individuelles ainsi agravées par une rupture de l'égalité de traitement de la République.
9 DRAC traitent la situation le plus favorablement possible
Ces DRAC avaient provisionné les sommes nécessaires : dès réception de la note voire même avant, elles ont fait partir les consignes dans les conservatoires. C'est le cas dans les régions Alsace, Auvergne, Champagne Ardennes, Centre, Haute Normandie, Limousin, Languedoc Roussillon, Lorraine, Picardie.
Compte tenu des délais de traitement, les élèves ont reçu les aides individuelles fin juin, début juillet. Ces Drac ont en commun de ne gérer qu'un nombre restreint de dossiers.
A noter que la région Nord Pas de Calais avait anticipé la note mais a, en revanche, établi des critères plus sélectifs afin de pouvoir traiter les dossiers les plus sensibles avec des fonds en diminution.
9 autres ont demandé les dossiers et sollicité le ministère pour des fonds complémentaires : les échelons plus élevés sont seuls pris en considération
Plusieurs DRAC (9) ont demandé aux conservatoires de faire remplir aux élèves les dossiers de demande d'aide et de les leur retourner. A partir de là, elles ont évalué les fonds nécessaires et faire une demande de rallonge budgétaire au ministère car elles n'avaient pas provisionné les fonds nécessaires. Elles ont attendu le retour du ministère pour traiter les dossiers et attribuer les aides en fonction des fonds reçus. Il semblerait que dans ce cas de figure seulement les dossiers échelons 4, 5 et 6 aient été traités. Les versements sont en cours.
Deux DRAC n’ont pas demandé les dossiers et s’estiment dans l’incapacité de verser les aides : les étudiants ne toucheront donc rien !
On trouve dans ce cas de figure, les DRAC Basse Normandie et Rhône Alpes.
DRAC Ile de France : des centaines de dossiers en souffrance et aucune information
Contactée le 17 juillet, la DRAC n’était même pas en mesure de dire combien de dossiers elle avait reçu (suivant nos estimations entre 250 et 300 c'est-à-dire presque 50% des demandes au niveau national), encore moins comment elle allait traiter les dossiers et le budget dont elle disposait.
Nous n’avons donc aucune garantie que les étudiants touchent quelque chose. La situation est d’autant plus choquante que la directrice en est maintenant Véronique Chatenay Dolto, aupravant conseillère de la ministre qui nous avait reçu et nous avait assuré qu’un dispositif d’urgence serait mis en place pour cette année.
Une complète rupture de l'égalité de traitement sur le territoire
Alors qu'il s'agit d'un réseau d'établissements publics agréés par l'Etat, même si celui-ci ne contribue qu'à la marge (et on peut le déplorer) à son financement, nous assistons à une rupture complète de l'égalité de traitement sur le territoire.
Si on peut comprendre une vraie tension sur les fonds disponibles (pour mémoire ces aides sont financées sur la ligne budgétaire "conservatoire" qui a fondu de 25% en 2012 et 2013), il n'en reste pas moins que le choix de prendre en compte les besoins des élèves a été fait de façon plus ou moins volontariste par chaque DRAC ; certaines régions ont semblé mettre en œuvre des manœuvres dilatoires afin de ne pas verser d'aides individuelles au mépris de la détresse des jeunes concernés.
On peut également comprendre le choix de préserver les structures et l'emploi dans les filières culturelles, il est cependant choquant de sacrifier des jeunes alors même que ces filières sont déjà extrêmement discriminatoires. Comment souhaiter une plus grande mixité au niveau des élèves et la limiter dès lors qu'il s'agit d'un parcours professionnalisant ?
Le ministère de la Culture dans tout ça ?
Le Ministère ayant décidé qu’il convenait de mettre en place un dispositif palliatif pour l’année en cours, il avait été prévu une enveloppe pour les Drac correspondant à 35% des fonds distribués l’année précédente pour les versements des bourse (soit 1 million d'euros).
Au final, quand les DRAC ont fait remonter leurs demandes, l’enveloppe "préservée" avait fondu (chiffre non communiqué)...
Les demandes de certaines DRAC ont été considérées comme acceptables par le ministère (celles qui avaient préservé une enveloppe pour ce faire et demandaient un complément sur une base jugée acceptable) : celles-ci ont été servies dans la mesure des fonds disponibles.
Mais ce n'a pas été pareil pour DRAC Basse Normandie et Rhône Alpe qui n’ont rien reçu du tout : leurs demandes ont été jugées "extravagantes" voire "arrogantes", aucune mise de fond n'étant engagée par les DRAC elles-même. Quant à la région Ile de France, le retour n’est pas très clair : elle aurait reçu une très petite enveloppe mais nous n’avons aucune confirmation sur ce point.
En dépit de recommandations très claires faite par le Ministère en direction des DRAC, certaines n’ont absolument pas pris en compte les situations dramatiques dans lesquelles se retrouvent les jeunes concernés.
Lors des quelques jours que nous avons passé à Avignon, nous avons interpelé les différents interlocuteurs du ministère sur cette question et avons reçu toujours la même réponse : ce dossier est en train d’être étudié et le ministère va faire de son mieux pour y apporter une solution. Il semble aussi que lors de la réunion de tous les DRAC à Villeneuve les Avignon le 11 juillet, la question ait été posée à Aurélie Filipetti.
La réponse de la Ministre aux deux étudiants qui l’ont interpelé lors du débat organisé par Libé vendredi 12 juillet "mes services sont en train de travailler sur la question" est peu engageante.
Un bilan 2012/2013 calamiteux : la moitié des étudiants laissés pour compte
Le bilan pour l’année 2012/2013 est calamiteux dans la mesure où sans doute plus de la moitié des étudiants concernés n’auront pas reçu d’aides.
En revanche, nos interpellations ont amené semble-t-il une vraie prise de conscience. Mais un seul point semble acquis : si dispositif il y a, il sera national et obligatoire.
Il est insupportable de se retrouver avec des systèmes à plusieurs vitesses, certains jeunes étant considérés comme des étudiants de deuxième zone, dont les aides sociales dépendent du bon vouloir du DRAC de sa région, celui-ci arbitrant entre le soutien aux structures (donc à l’emploi) ou aux étudiants.
Alors que dans le même temps, les bourses de l’enseignement supérieur sont confortées avec un budget en augmentation, il serait bon que les étudiants artistes ne restent pas au bord du chemin.