En feuilletant le journal, après une journée bien remplie, j'ai découvert une chronique intitulée "Mélodie". Qu'il y soit fait l'éloge de la méthode « M… » d’apprentissage de la musique en ligne et de son auteur (sans aucun doute valeureux) est assez sympathique.
En revanche, je me serai volontiers passée de la lecture du deuxième paragraphe : une incursion directe dans l'univers du "conservatoire bashing" très à la mode par les temps qui courent...
Pour connaître un peu les conservatoires, en avoir "imposé" la fréquentation à mes enfants et m'être finalement beaucoup impliquée dans la vie de ces lieux, j'en suis arrivée au constat que, si rien n'est parfait en ce bas monde, la proposition d'un enseignement public artistique (dit spécialisé) en France est quelque chose de formidable, qui représente une chance exceptionnelle pour tout ceux qui s’y investissent.
40 ans d'investissement d'argent public ont permis la création, sur tout le territoire, d'un réseau de très grande qualité où les enfants (et quelque fois les adultes) peuvent s'initier et, pas à pas, maîtriser la pratique des arts du spectacle vivant...
Ces établissements sont des lieux investis par des familles, des enfants, des petits et des plus grands, des professionnels et des amateurs, ils résonnent sur leur territoire. Et croyez-le ou non, ce sont des lieux joyeux et très animés !
Le solfège y a disparu, remplacé depuis maintenant plus de 20 ans par la formation musicale : on peut lui reprocher d'être chronophage et sans doute beaucoup d'autres choses, mais on y chante, on y écoute de la musique, on y danse même quelque fois et bien sûr, on y apprend à décoder le langage musical écrit... Mais cela n'a rien de poussiéreux ...
Quant à la découverte de l'instrument, beaucoup de conservatoires la proposent dès la premier année sous des formules on ne peut plus variées : atelier découverte, stages instrumentaux, immersions, présentations afin que chaque enfant puisse trouver chaussure à son pied... Pardon, cordes ou vents à sa main !
Apprendre la musique par n'importe quel moyen, quelle que soit son esthétique, est un long cheminement qui demande une implication, un engagement ... c'est le contraire du plug and play... mais, même s'il requiert des efforts, ce cheminement n'a aucune raison d'être pénible et fastidieux.
La découverte ludique de la musique telle que proposée par la méthode « M… » relève de toute autre chose ... c'est une excellente et vertueuse idée qui n'est pas opposable à un apprentissage, qui ne peut et ne sera jamais virtuel. La sensation du son que l'on produit en soufflant, celle du chausson qui glisse sur le sol, l'euphorie créée par le chant choral, la recherche du geste artistique juste et le plaisir de le trouver ne s'accomodent pas du virtuel : il s'agit d'éprouver, de ressentir en essayant, en faisant, en pratiquant...
Si je réagis à cette chronique c'est que les conservatoires en France font l'objet ces derniers temps d'un dénigrement systématique. Ces lieux sont sans doute fautifs de ne pas avoir su parler d'eux-mêmes, mettre en valeur ce qu'ils font, exposer la réalité de leur pratiques aujourd'hui... mais leur couverture médiatique semble maintenant uniquement destinée à répéter à quel point ces établissements sont de terribles lieux d'ennui, poussiéreux, rétrogrades et parfaitement obsolètes dans leur conception de la transmission de savoirs artistiques.
Ces allégations sont vraiment fort éloignées de ce que s'y passe en réalité et elles sont en train de mettre en danger ce réseau d'enseignement public.
Alors, à tous ceux qui seraient tentés par ce dénigrement facile, s'ils prenaient la peine de sortir du champ du virtuel pour se pencher sur ce monde mystérieux des conservatoires, c'est avec beaucoup de plaisir que je leur ferais découvrir une réalité bien différente, un monde plein de passion, mais aussi parfois de douceur, d'engagement, et toujours de vie... et qui ne laisse pas indifférent...
Fanny Reyre Ménardprésidente de FUSE