A Paris, les élèves des conservatoires pris en otage
Une nouvelle fois, la Ville de Paris a interprété les dispositions prises par le gouvernement. Mais à l'avantage de qui ? pas des usagers, ni des équipes de direction lassées de tout chambouler, ni des enseignants qui s'épuisent en pseudo continuité.

«Madame, Monsieur,

A la suite des dernières annonces gouvernementales et notamment de l’avancement du couvre-feu, les cours s’arrêteront à 18h dès ce samedi 16 janvier 2021.

Afin de préparer les conditions optimales d’ouverture des conservatoires la semaine prochaine, les établissements seront fermés lundi 18 janvier avant de rouvrir mardi 19 janvier.

A compter de cette date, la poursuite de l’activité pédagogique prendra des formes adaptées, en présentiel ou en distanciel, en fonction des disciplines et des horaires de cours (tenue de cours individuels ou en petit groupe, adaptation des effectifs pour les cours collectifs, absence de pratique chantée, poursuite d’un lien pédagogique à distance…).

L’organisation mise en œuvre sera susceptible d’évoluer, en fonction de l’évolution de la situation sanitaire.

La direction des affaires culturelles »

C'est par ces mots que près de 15 000 familles parisiennes ont appris une fois de plus, que l'organisation péniblement mise en place dans le réseau des conservatoires (17 établissements municipaux et un conservatoire à rayonnement régional, 20 000 élèves), depuis la rentrée de septembre, et modifiée à plusieurs reprises déjà, allait une nouvelle fois être bouleversée.

A défaut d'appliquer la loi, interprétons-la comme bon nous semble

Interrogée via mail par FUSE sur les raisons de son interprétation restrictive du décret du 15 janvier dernier, la Direction des affaires culturelles de Paris n'a pour l'instant pas donné suite. Le texte est pourtant clair : comme annoncé par le Premier Ministre, les dérogations aux restrictions de déplacement liées au couvre-feu, introduites par le décret du 14 décembre et modifiant le décret du 29 octobre, ont été maintenues. Les personnels et les élèves des établissements d'enseignement artistique (tels que mentionnés à l'article 35) peuvent bénéficier de dérogations pour se déplacer après 20h, et 18h désormais. 

De plus, nulle part, il n'est fait mention de l'obligation de cesser les activités à l'heure du début du couvre-feu : d'où vient donc cette interprétation limitative ? Impossible de le savoir ni même de le comprendre.

Les conservatoires parisiens qui fermaient leurs portes à 20h, comme d'autres en France (mais pas tous loin s'en faut !), ont dans la même logique, avancé à 18h, depuis lundi, la fin des enseignements en présentiel. Au mépris des équipes administratives amenées à revoir les emplois du temps une fois de plus, des enseignants auxquels il est demandé de résoudre la quadrature du cercle (comment faire pour enchaîner cours en présentiel jusqu'à 18h et cours en distanciel après, depuis son domicile, rarement à proximité du conservatoire) et des usagers et des élèves, qui quittent l'école ou du collège entre 16h30 et 18h, pris en otages par des décisions dont ils ne comprennent pas la raison. 

Inégalités de traitement à Paris et en Ile de France

Car en effet, comment comprendre que les élèves du CRR de Rueil (92) continuent leurs cours aux mêmes horaires qu'avant ? ou que les enfants inscrits dans des écoles associatives à Paris puissent aller prendre leur cours après 18h ?

La direction des affaires culturelles de Paris n'en est pas à son coup d'essai dans les interprétations des décrets liés à la situation sanitaire, une subjectivité qui interroge les uns (veulent-ils la mort des conservatoires?), intrigue les autres (des rumeurs courent sur la pression de certains syndicats - mais lesquels? - qui vise à entraver le retour en présentiel dans les conservatoires) et dans tous les cas, génère incompréhension et désengagement.

Ainsi, alors que les conservatoires étaient autorisés à accueillir durant la période de confinement, les élèves en 3ème cycle, la Ville de Paris avait estimé cette disposition trop large et préféré respecter "l'esprit du texte" (sic) en limitant aux seuls élèves de 3ème cycle spécialisé. La réouverture permise par le décret du 15 décembre, quant à lui, limitait l'accueil aux seuls élèves mineurs, à l'exception des élèves en 3ème cycle et au delà : une chance pour les majeurs à Paris, qui ont pu retrouver le chemin des conservatoires d'arrondissement. Mais jusqu'à 20h seulement ! Voire 19h45... ou même 19h30 selon les cas. 

Paris est-elle encore en France ? 

On le voit : la loi n'est pas écrite pour tous, Paris reste une exception qui "mérite" sa propre législation !

Et tant pis pour les familles qui finiront par jeter l'éponge et ramener l'inscription au conservatoire à ce qu'elle semble être à Paris, à savoir juste une occupation après l'école donc interchangeable avec d'autres ! Et tant pis pour les enseignants, épuisés, qui ne savent plus comment préserver le peu qu'il reste de motivation auprès de jeunes au bord de l'asphyxie.

Partagez cet article !

Mis à jour le 19/01/2021